La grande réforme scolaire de 1912 forme la pierre angulaire de l’enseignement primaire et forme son cadre législatif pendant plus d’un demi-siècle.
Issue entre-autres d’un souci d’adapter l’enseignement à une société en pleine mutation, la loi scolaire de 1912, dit « loi Braun » d’après le directeur général de l’Intérieur, chargé de l’enseignement primaire et des écoles, va marquer l’enseignement primaire pendant des décennies.
En effet, en 1912, à la suite de l’essor de l’industrie, le Luxembourg se trouve en pleine transformation économique et sociale. Les discussions sur une réforme de l’enseignement primaire sont influencées par des réflexions économiques, notamment sur la concurrence économique internationale et sur l’occupation de beaucoup de hauts postes dans le secteur industriel du Luxembourg par des employés étrangers.
Ces réflexions, ensemble avec les discussions autour d’une future introduction du suffrage universel, vont pousser les responsables politiques à entamer des efforts pour augmenter le niveau d’éducation des Luxembourgeois.
L’obligation scolaire est portée de 6 à 7 ans (art. 1). Alors qu’elle est déjà devenue réalité sur le terrain, la gratuité de l’enseignement primaire est pour la première fois inscrite dans une loi scolaire (art. 77-81). Des cours postscolaires de deux ans deviennent obligatoires pour tout élève qui finit l’enseignement et qui ne poursuit pas des études dans un établissement de l’enseignement moyen ou un autre établissement d’enseignement supérieur. Les cours postscolaires doivent s’orienter « vers les besoins pratiques de la vie, tout en complétant l’instruction générale reçue à l’école primaire ». (art. 54)
Les adaptations au niveau du programme enseigné témoignent de l’évolution de la société :
Dorénavant, les futurs employés du secteur métallurgique du Luxembourg doivent posséder « un enseignement primaire très solide, qui doit former la base de leur enseignement ultérieur. » Il n’est donc pas étonnant de constater que les sciences physiques et naturelles gagnent en importance parmi la matière enseignée (jusqu’à ce moment, des notions de géographie ainsi que les poids et mesures figuraient sur le programme scolaire). (art. 23) Une autre grande nouveauté est l’introduction du luxembourgeois comme matière d’enseignement. Cette introduction est justifiée entre autres par la volonté « de réveiller chez nous le sentiment national et de faire connaître les œuvres des poètes nationaux. »
La loi aborde aussi les conditions de travail des élèves et des instituteurs : Ainsi, des classes de plus de 70 élèves peuvent être dédoublées si le Gouvernement l’exige. Les médecins scolaires sont introduits par la loi dans l’enseignement primaire (art. 98) et chaque enfant doit justifier qu’il a été vacciné ou qu’il a eu la petite vérole (art. 18).
Hormis certaines adaptations, la hiérarchisation des instituteurs est maintenue (art. 30). Ils ont dorénavant le droit de faire partie de la commission scolaire (art. 68). Les autres dispositions touchent surtout l’influence de l’Église dans l’enseignement primaire : Ainsi, le certificat de moralité civile et religieuse est aboli. Le cours de religion est exclusivement donné par un ministre du culte ou un ecclésiastique délégué par celui-ci. (art. 26)
En effet, la loi de 1912 a été précédée par de longs débats sur le rôle et l’influence de l’Église à l’école entre les forces politiques libérales, socio-démocrates et catholiques. Ces discussions se déroulent aussi bien en chambre, que dans l’espace public ou à travers la presse et impliquent aussi d’autres acteurs importants comme la Fédération Générale des Instituteurs Luxembourgeois (FGIL).
La loi votée par le Bloc des gauches – alliance électorale des libéraux et sociaux-démocrates qui dispose de la majorité parlementaire entre 1908 et 1915 et contre l’opposition catholique, finit par être un compromis qui, selon Régis Moes, ne saura satisfaire totalement catholiques et anticléricaux. Ainsi, en 1921, des modifications vont adapter le rôle de l’Église dans l’enseignement primaire.